Les flûtes forment aujourd’hui une grande famille très diversifiée dont la forme la plus présente en Aquitaine est la flûte à une main ou flûte à trois trous, le représentant le plus connu de cette branche étant sans doute le galoubet de Provence.
Histoire
L’iconographie européenne révèle l’appartenance de ce couple à l’instrumentarium médiéval. De nombreuses représentations jalonnent la France et l’Europe aux XIVe s. (cathédrale de Rouen) et XVe siècles (Voûte de la Basilique Santa-Maria sopra Minerva, Rome).
En 1527, l’instrument est bien connu en Béarn, le roi Henri II d’Albret condamnant par lettres patentes les " tambourins " qui viennent troubler la quiétude des édifices religieux.
Au XVIIe siècle, sa pratique est largement signalée en Gascogne, par de nombreux contrats d’apprentissage " d’artisans–ménétriers " qui mentionnent la formation de l’apprenti à un métier artisanal associée à celui de joueur de flûte/tambourin et de violon.
Au XVIIIe s. ce couple instrumental est devenu une spécialité régionale, nommé par les encyclopédistes Tambourin de Gascogne. Ainsi, en 1780, dans son Essai sur la musique ancienne et moderne, Jean-Benjamin de Laborde le décrit comme : " Instrument à cordes fort en usage en Gascogne & dans le Béarn.
C'est un long coffre de bois sur lequel sont montées des cordes de laiton que l'on frappe avec une baguette tenue par la main droite et de la gauche on joue de la petite flûte nommée Galoubet."
A cette même époque, même si le tambourin jouit dans la société aristocratique d’un regain d’intérêt, apparaissant jusque sur la scène de l’opéra, cette présence est liée à son statut d’instrument pastoral, comme en témoignent encore de nombreux tableaux mettant en scène des bergeries à l’image des productions de Nicolas Lancret (1690 –1743).
Flûtes oubliées
Les Landes apparaîssent comme le " Pays des flûtes oubliées ". De types très variées et largement utilisées encore au début du 20ème siècle, elles ont disparu des mémoires progressivement, en même temps que la société qui les utilisait.
Pourtant les témoignages concernant une pratique ancienne de la flûte à trois trous et du tambourin à cordes dans les Landes ne manquent pas. Ainsi, l’Atlas linguistique et ethnographique de la Gascogne publié en 1954 par le CNRS montre que les habitants du centre et nord Gascogne connaissaient encore vers 1950 les mots pour désigner ces instruments. Ainsi la flûte y prend les noms de flaüta, flabuta, flageolet… Malheureusement le document ne précise pas s’il s’agit d’un instrument à 3 trous ou plus, alors que d’autres formes coexistaient !
Le tambour-bourdon est connu dans le Gers sous le nom de tambourin, la dénomination de ton-ton semblant réservée au Pays Basque.
Les flûtes sont mentionnées sous le nom de galoubet au début du 19ème siècle dans un ouvrage du Vicomte de Méthivier, et leur usage, associé au tambourin, est confirmé par Félix Arnaudin, collecteur landais du 19ème siècle : " …dans les écrits de quelques voyageurs des deux derniers siècles le tambourin est donné comme un instrument landais servant à accompagner le fifre ou le galoubet ; (…), c'est loin de Labouheyre, vers Lencouacq et vers Captieux, que j'ai recueilli des souvenirs, parfois assez récents, de l'usage du tambourin. Plus à l'ouest, il n'en existe pas trace… ". Dans une lettre à F. Arnaudin, en décembre 1893, un ancien curé de Lencouacq, M. Labbé, précise qu’il a connu " …le tympanon ou le tambourin, (…), je l'ai vu et entendu conduire non seulement les époux à l'église, mais encore les petits enfants au baptême. Aujourd'hui cet instrument de vieille mode paraît réservé à la promenade des bœufs gras en carnaval… ".. Il semble bien que l’usage du tambourin n’ait guère dépassé le milieu du 19ème siècle, sinon de façon marginale.
En revanche, il s’y est substitué une curieuse pratique de jeu à deux flûtes. Ainsi des témoins d’Arnaudin indiquent que " … Vers Labrit et Captieux, et même à Luxey et à Sore, certains sonneurs adroits, pour renforcer le son, embouchent deux flûtets à la fois, chaque main maniant le sien… ". Vers 1950 un écrivain de Retjons, Gabriel Cabannes, confirme l’existence de ce jeu typiquement landais " …; Nous avons eu aussi dans les bals les joueurs de flûte, dont certains usaient de deux instruments à la fois, un à chaque main… ". Mais malgré sa virtuosité, le flûtiste ne pouvait espérer concurrencer les vielleux ou les joueurs d’accordéon pour animer bals ou mariages.
En Béarn et plus largement Gascogne, le mouvement de renouveau des musiques traditionnelles des années 70 a favorisé le développement de sa pratique : travail de facture instrumentale autour de Marcel Gastellu (Mochico) et du Conservatoire Occitan, enseignement au Conservatoire de Pau, à l’Ecole de Musique Traditionnelle de Monein, concours de musique à danser dans le cadre de la Hèsta de la Dança…
Un conservatoire pyrénéen
Au cours du XXème siècle la pratique du tambourin s’est peu à peu cantonnée au piémont pyrénéen (Bigorre, Béarn et Soule) pour ne plus exister depuis la dernière guerre qu’en Vallée d’Ossau (Béarn) où une tradition orale ininterrompue s’est perpétuée jusqu’à nos jours. L’orchestre ossalois, essentiellement composé du couple flûte/tambourin et du violon (Peiroton), est complété par l’accordéon diatonique dès le début du 20ème siècle (Au bèth som) ; le répertoire est constitué de sauts (La Craba), de passe-rues (Au reng deus bienuros) et de branles (L'Airejant) aujourd’hui joués en particulier lors des fêtes patronales comme celle de Laruns.
Au plan géographique, flûte/tambourin à cordes ont été très ancrés sur l’ensemble gascon : de Bayonne à Bazas et des Pyrénées béarnaises et bigourdanes jusqu’à Auch. Il était également l’instrument de prédilection en Labourd, Basse-Navarre –; aujourd’hui supplanté par le Txistu, accompagné d’un petit tambour à peau, l’atabal – alors qu’en Soule le couple xirula / ttun-ttun reste l’acccompagnateur obligé des mascarades et des pastorales. De même le Haut-Aragon abrite une tradition toujours vivante de flûte à trois trous ou chiflo et tambourin à cordes, appelé salterio ou chicotén.